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La "guerre de l'ortie"

Dernière mise à jour : 10 oct. 2022

La vente et l’utilisation du purin d’ortie a fait l’objet de polémique.

Depuis 1943 tout produit phytopharmaceutique, doit pour être commercialisé, faire l’objet d’une évaluation de ses risques et de son efficacité. L’homologation accordée, le produit peut alors obtenir son AMM : Autorisation de Mise sur le Marché (Goulfier 2010).


Tout commence en 2002 quand un directeur départemental de la répression des fraudes du Maine-et-Loire déclare hors la loi le purin d’ortie et en interdit la vente sur tout le territoire national suite à la saisie de « produis illicites » dans deux points de vente distincts du Sud-Ouest de la France. L’ Association des Amis de l’Ortie réagit par un simple communiqué de presse diffusé par fax : les remous médiatiques suscités sont tels qu’ils donnent lieu à une tolérance administrative passagère (Bertrand 2010; Goulfier 2010; Tissier 2011).


La « guerre de l’ortie » est relancée quand le 1er juillet 2006 est publiée au Journal officiel une loi d’orientation agricole interdisant la vente, la détention du purin d’ortie et également l’enseignement de ses techniques de préparation s’il n’est pas homologué. En cas d’infraction la peine encourue est de 2 mois d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (LOI n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole 2006; Bertrand 2010; Tissier 2011).


Voici un extrait de l’article 70 paru au Journal officiel : « Art. L. 253-1.


- I. - Sont interdites la mise sur le marché, l'utilisation et la détention par l'utilisateur final des produits phytopharmaceutiques s'ils ne bénéficient pas d'une autorisation de mise sur le marché ou d'une autorisation de distribution pour expérimentation délivrée dans les conditions prévues au présent chapitre.

L'utilisation des produits mentionnés au premier alinéa dans des conditions autres que celles prévues dans la décision d'autorisation est interdite.


- II. - Au sens du présent chapitre, on entend par :


1° Produits phytopharmaceutiques : les préparations contenant une ou plusieurs substances actives et les produits composés en tout ou partie d'organismes génétiquement modifiés présentés sous la forme dans laquelle ils sont livrés à l'utilisateur final, destinés à :

a) Protéger les végétaux ou produits végétaux contre tous les organismes nuisibles ou à prévenir leur action ;

b) Exercer une action sur les processus vitaux des végétaux, dans la mesure où il ne s'agit pas de substances nutritives ;

c) Assurer la conservation des produits végétaux, à l'exception des substances et produits faisant l'objet d'une réglementation communautaire particulière relative aux agents conservateurs ;

d) Détruire les végétaux indésirables ;

e) Détruire des parties de végétaux, freiner ou prévenir une croissance indésirable des végétaux ;


2° Mise sur le marché : toute remise à titre onéreux ou gratuit autre qu'une remise pour stockage et expédition consécutive en dehors du territoire de la Communauté européenne. L'importation d'un produit phytopharmaceutique constitue une mise sur le marché.


- III. - Un produit phytopharmaceutique dont la mise sur le marché au sens du 2° du II est soumise à autorisation et ne bénéficiant pas d'une telle autorisation sur le territoire français peut y être produit, stocké et peut circuler dans la mesure où ce produit est autorisé dans un autre Etat membre de la Communauté européenne.


- IV. - Les dispositions du présent chapitre s'appliquent également aux adjuvants vendus seuls ou en mélange et destinés à améliorer les conditions d'utilisation des produits phytopharmaceutiques. »


Cette loi place le purin d’ortie ainsi que les autres phytostimulants naturels dans les produits phytopharmaceutiques au même titre que les produits phytosanitaires issus de la chimie de synthèse. Le problème étant que le purin d’ortie et les autres extraits végétaux ne peuvent pas obtenir d’homologation, ni de mise sur le marché puisqu’ils ne font pas l’objet d’un processus de fabrication défini. Ils sont obtenus à partir de produits récoltés et donc variables puisque dépendant du sol, du climat… Cette loi ne prend pas en compte les préparations réalisées par un particulier pour son usage strictement personnel (Tissier 2011).


La loi a rapidement été appliquée puisque l’arboriculteur Eric Petiot l’un des auteurs de Purin d’ortie et compagnie qui utilisait des huiles essentielles, ainsi que d’autres extraits végétaux et en diffusait les connaissances lors de stages a été arrêté sous le motif qu’on lui reprochait « la recommandation de produits phytopharmaceutiques non autorisés » (Tissier 2011).


Un mouvement de protestation c’est vite crée suite à cette nouvelle loi rassemblant les partisans de l’agriculture biologique. L’Association des Amis de l’Ortie présidée par B. Bertrand c’est battue pour sortir le purin d’ortie de cette loi.

L’état semble vouloir apaiser le conflit puisqu’en décembre 2006 dans le cadre de la loi votée sur l’eau il vote un amendement dit du « purin d’ortie » qui détermine que les dispositions de la Loi sur l’orientation agricole ne « s’appliquent pas aux préparations naturelles peu préoccupantes qui relèvent d’une procédure simplifiée, fixée, ainsi que la définition de ces préparations, par décret. ». Reste à préciser leur définition et à établir des règles d’attribution d’AMM réellement simplifiées (Bertrand 2010; Tissier 2011).

Dans ces Préparations Naturelles Peu Préoccupantes PNPP on retrouve le purin d’ortie mais également l’extrait de prêle, l’huile essentielle d’ail et d’autres extraits végétaux.


Depuis le début de l’année 2007 la vente des PNPP est tolérée mais l’emballage de ces produits ne doit comporter aucune prescription.


En 2008, une association de producteurs voit le jour : l’Aspro-PNPP (Association pour la promotion des produits naturels peu préoccupants). Cette association a pour objectif de développer l’utilisation des produits naturels comme alternative aux traitements conventionnels dans un souci de protéger le consommateur ainsi que l’environnement.


Le 25 juin 2009 sort le décret qui devait exclure les PNPP du champ d’application de la Loi d’orientation agricole de juillet 2006. L’objectif de la loi était de simplifier la procédure d’AMM des PNPP ainsi que leur commercialisation. Malheureusement cela ne se fera pas avec ce décret. En effet, sous prétexte d’une harmonisation européenne, on assiste au contraire à un durcissement de la loi par rapport au Grenelle I voté par le Parlement en février 2009. Le nouveau décret impose en effet une procédure longue et coûteuse, qui a été conçue pour des produits chimiques de synthèse et qui est totalement inadaptée pour des préparations naturelles (Bertrand 2010; Tissier 2011).


Le projet de loi Grenelle II voté en juillet 2010 comporte toujours une obligation d’agrément pour toute commercialisation et utilisation de produits phytopharmaceutiques, ainsi que pour toute communication sur leur intérêt et cela sans dérogation pour les PNPP (Tissier 2011).


On peut voir ici une victoire de l’industrie chimique sur une agriculture biologique qui se veut respectueuse de l’environnement.


Le 18 avril 2011 paraît enfin une bonne nouvelle pour les défenseurs du purin d’ortie. En effet sa vente est de nouveau autorisée dans le cadre du plan Ecophyto 2018, qui prévoit de diminuer la quantité de pesticides chimiques utilisés de 50 % d’ici 2018. Cet arrêté autorise la vente du purin d’ortie en tant que préparation naturelle peu préoccupante à usage phytopharmaceutique. Il retrouve ainsi son autorisation de mise sur le marché selon la recette et condition mentionnée en annexe de cet arrêté.


Le 11 septembre 2014 l’Assemblée Nationale adopte la « Loi d’avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la forêt ». L’objectif de cette loi est que les tisanes (infusions de camomille, décoction d’ail…), les purins (d’ortie, de prêle, de consoude…), l’huile de neem ou encore l’argile, le vinaigre blanc, le sucre… toutes ces préparations naturelles qui favorisent la croissance des plantes et les aident à mieux résister à certaines maladies, aux insectes voire aux stress climatiques, soient reconnues et étiquetées « biostimulants ». L’obtention d’une AMM n’est donc plus nécessaire pour ces préparations.


Les PNPP qui détruisent directement des pathogènes de plantes et sont déjà autorisées pour un autre usage (alimentation, santé humaine ou animale…), bénéficieront quant à elles d’une procédure européenne simplifiée qui leur permettra d’être exonérées de toute procédure d’autorisation nationale.

L’association Aspro-PNPP reste cependant vigilante pour qu’un nouveau décret ne vienne pas annuler cette loi.




Couverture Photo de Dids provenant de Pexels

Extrait de thèse de Julien Delahaye

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